Depuis ses débuts, le cinéma utilise le costume comme un langage à part entière, un outil narratif puissant capable de révéler l’intimité des personnages, de faire avancer l’intrigue ou de cristalliser une époque. Parmi tous les éléments vestimentaires, la lingerie occupe une place singulière, à la fois cachée et révélée, intime et exhibitionniste. Elle transcende sa fonction première pour devenir un symbole de séduction, de pouvoir, de vulnérabilité ou de rébellion. Des négligés en soie des divas du classic Hollywood aux bustiers avant-gardistes des héroïnes modernes, le sous-vêtement filmé raconte une autre histoire du cinéma, une histoire faite de désir, de fantasmes et d’audace. Cet article explore dix scènes cultes où la lingerie n’est pas un simple accessoire, mais un personnage à part entière, un pivot visuel qui a marqué à jamais la mémoire collective des cinéphiles.
Le Corps et le Plan : La Lingerie comme Révélateur
Au-delà de l’effet de stimulation pure, la lingerie au cinéma sert souvent de révélateur essentiel à la psychologie d’un personnage. Elle est un vecteur d’émotion et un marqueur social. Une brassière bon marché peut traduire un quotidien modeste, tandis une nuisette en soie peut évoquer un luxe certain ou une sensualité assumée. Le choix d’un body audacieux, d’un porte-jarretelles ou d’un soutien-gorge balconnet n’est jamais anodin ; il est le fruit d’une collaboration minutieuse entre le réalisateur, le costumier et l’acteur ou l’actrice pour incarner une vérité. Des grandes maisons comme La Perla, Chantal Thomass ou Agent Provocateur ont d’ailleurs vu certaines de leurs créations immortalisées à l’écran, forgeant ainsi leur statut d’icônes du luxe et de la seduction. Le travail des costumiers est ici primordial, qu’ils choisissent des pièces de prêt-à-porter existantes ou créent des pièces sur mesure pour coller parfaitement au script et à la morphologie de l’interprète.
10 Scènes Cultes où la Lingerie a Volé la Vedette
- « Basic Instinct » (1992) – Le tailleur blanc et l’audace : La scène mythique de l’interrogatoire de Sharon Stone est peut-être la plus célèbre de toute l’histoire du cinéma en matière de sous-vêtement. Le jeu audacieux de l’actrice, croisant et décroisant les jambes pour révéler l’absence de culotte, a créé un choc culturel. Il s’agit d’une démonstration de pouvoir et de manipulation pure, où la lingerie (ou son absence supposée) est une arme psychologique redoutable.
- « Pretty Woman » (1990) – Le bustier qui libère : Le personnage de Vivian, interprété par Julia Roberts, connaît une métamorphose sociale. Son body noir, porté sous un tailleur, lors de son shopping raté sur Rodeo Drive, symbolise ses origines. Plus tard, c’est un bustier imprimé rose et blanc, dont les lacets sont noués par Edward (Richard Gere), qui incarne sa sensualité naïve et libérée. Cette scène, à la fois drôle et touchante, montre comment un vêtement intime peut devenir le cœur d’une relation.
- « Kill Bill : Vol. 1 » (2003) – Le sweat et la détermination : Quentin Tarantino offre une scène d’anthologie où la Beatrix Kiddo (Uma Thurman), à moitié paralysée, doit regagner l’usage de ses jambes. Vêtue seulement d’un simple t-shirt et d’une culotte blanche basique, elle est la parfaite antithèse de la séduction glamour. Ici, la lingerie est réduite à sa fonction la plus primitive : un vêtement de corps, témoin d’une souffrance et d’une volonté surhumaine dans un contexte d’action pure.
- « Dessous pour tous » (1994) – L’ode à la dentelle : Ce film, bien que plus léger, est entièrement construit autour du monde de la lingerie. Il met en scène l’univers coloré, sensuel et parfois kitsch d’un magasin de sous-vêtements, célébrant la dentelle, les portes-jarretelles et la fantasie sans complexe. Il reste un classique du genre pour sa représentation joyeuse et positive de la féminité et de la seduction.
- « Eyes Wide Shut » (1999) – Le masque et le mystère : Le film de Stanley Kubrick est baigné d’érotisme et de mystère. Nicole Kidman, dans une robe de nuit bleue et transparente, incarne une sensualité distante et complexe. Plus tard, les scènes de la maison de rendez-vous, avec leurs tenues cérémoniales et leurs dessous sophistiqués, plongent le spectateur dans un univers onirique et troublant où la lingerie fait partie d’un rituel codifié et mystérieux.
- « Showgirls » (1995) – Le strass et la transgression : Culte pour son kitsch assumé, le film de Paul Verhoeven est une plongée dans l’univers impitoyable des danseuses de Las Vegas. Les tenues, des justaucorps scintillants aux strings minuscules, sont des armures de combat sexualisées. La lingerie y est exhibitionniste, agressive et fait partie intégrante de la performance, poussant le glamour à son paroxysme jusqu’à l’excès.
- « Blade Runner 2049 » (2017) – Le futur et le synthétique : Dans une scène brève mais intense, Joi, l’holograme amoureux interprété par Ana de Armas, apparaît vêtue d’un manteau transparent qui laisse voir un soutien-gorge structuré aux reflets bleutés. Ce sous-vêtement futuriste, entre prêt-à-porter de science-fiction et pièce de haute couture, questionne la nature de l’intimité et du désir dans un monde technologique. Il rappelle le travail visionnaire de marques comme Honey Birdette.
- « Danger Public » (1993) – Le body et la rébellion : Dans cette comédie déjantée, la tenue de Madonna est entrée dans la légende. Composée d’un corset conique signé Jean-Paul Gaultier et d’un body,
elle est bien plus qu’un simple sous-vêtement : c’est un statement, une armure de pop culture qui défie les conventions et affirme un pouvoir féminin radical et provocant. Une icône de mode indétrônable. - « Lost in Translation » (2003) – La simplicité et l’intimité : Scarlett Johansson, dans le rôle de Charlotte, incarne une mélancolie poignante. Une scène la montre allongée sur son lit, vêtue simplement d’un caleçon et d’un débardeur blancs. Loin des dessous sexy, cette tenue d’intérieur basique capture un moment d’une intimité fragile et vraie. Elle parle de solitude, de jeunesse et d’authenticité, démontrant que la lingerie au cinéma peut aussi être cela : un miroir de l’âme.
- « Matrix » (1999) – Le cuir et la révolution : Si l’on s’éloigne des sous-vêtements traditionnels, le costume de Trinity (Carrie-Anne Moss) mérite sa place. Sa combinaison moulante noire, évoquant un corset ou une gaine de cuir, est devenue l’un des looks les plus emblématiques de l’histoire du cinéma. Il symbolise la force, l’agilité et la froide détermination d’une héroïne révolutionnaire, fusionnant mode et action dans un style cyberpunk intemporel.
De la Soie à la Pellicule, un Héritage qui se Dessine
En définitive, la lingerie n’a jamais été un simple morceau de tissu dans la grammaire cinématographique. Elle est un punctuation visuelle, un dialogue silencieux qui en dit long sur les intentions d’un réalisateur et les facettes d’un personnage. Des nuisettes vaporeuses des films en noir et blanc aux bodys architecturaux de la science-fiction, elle a évolué avec les mœurs et les techniques, reflétant les changements de perception du corps et de la seduction. Le travail des costumiers et le choix de marques emblématiques – qu’il s’agisse du glamour de Fleur of England, de l’audace de Maison Close, de la sophistication de Empreinte, de la fantaisie d’Aubade ou de la modernité de Simone Pérèle – sont fondamentaux pour ancrer une scène dans la réalité ou, au contraire, pour en faire émerger le fantasme. Ces dix scènes cultes ne sont que la partie émergée d’un iceberg de dentelle et de soie, une invitation à regarder le cinéma avec un œil nouveau, plus attentif à ces détails qui font toute la différence. La prochaine fois que vous vous installerez dans un fauteuil de cinéma, souvenez-vous que sous les costumes des héros et des héroïnes se cache peut-être le véritable secret de l’intrigue. Car, pour parodier un fameux slogan : « La lingerie au cinéma ? Parce que même les super-héros ont besoin de soutien-gorge. » Preuve que le 7e art, décidément, ne manque pas de soutien !
